Rencontre avec Cathy, paysanne-boulangère

 

La terre et demain ?

 

 

 

Cathy, elle m’a appris le pain il y a 13 ans. J’étais ronde comme les pâtons, enceinte de mon fils. J’apprenais le pain, à sa façon.

 

Oui, il y a autant de pains que de boulangères. Et que de boulangers. Et il y a sans doute autant de façons de faire que de femmes et d’hommes à pâtonner.

 

 

Avec Cathy, c’était simple. Pas de double pousse. Pas de double façonnage. Pas de scarification à l’enfournement. Une simplicité qui m’allait bien, que j’ai suivi toute ma carrière de boulangère, même si je signais mes pains. Une signature incompréhensible – surtout la cuisson passée ! -, symbolique. Un œil ouvert sur le monde ou, c’est selon, un soleil qui se lève derrière des tiges de blé.

 

 

Chez Cathy, dans les odeurs et la chaleur du fournil, les souvenirs affluent. Et nos échanges reviennent, reprennent.

 

 

Je lui dis le poids qu’ont eu ses mots et ses engagements. Comment ils m’ont marquée.

 

« La Terre de nous appartient pas ». Elle reprenait ces mots, en 2007 : ils étaient déjà connus, partagés.

 

 

2020. Dis-moi, ré-explique moi. Ca veut dire quoi ?

 

13 ans plus tard, de l’eau a coulé sous les ponts, le contexte a durci dans la profession, je le crois. Alors, quelle résonance, cette belle grande idée ?

 

« Non, la Terre ne nous appartient pas », sourit Cathy. Constance. Et elle explique en quoi, pour elle, la constitution d’un Groupement Foncier Agricole lui a permis de respecter (comment dire autrement ?) ce principe, cette idée, très concrètement.

 

 

Oui, nous ne sommes que de passage. En être ou en prendre conscience nous replace à notre place : celle de locataires (privilégiés ou pas) d’un vaisseau assez unique en son genre, un monde fini appelé à être légué à nos enfants, et puis à leurs enfants.

 

 

Certains l’oublient. S’en foutent même. Peu importe. Après moi le déluge ! Allons. Pensons à ces seigneurs qui se croient tout puissants sur LEURS terres. Oui, il est à regretter ces sAigneurs, qui détruisent ce qui fait leur richesse, par mimétisme, bêtise ou ignorance. C’est quoi le pire ? Je ne sais.   

 

 

Oui, possible que certains réfléchiraient autrement si les terres n’étaient pas leur propriété. Cathy en avance l’idée.

 

 

C’est quoi l’histoire de GFA

 

 

Et puis, Cathy vas-y, explique, ton GFA. La femme - tout en pesant, façonnant, surveillant le feu – raconte. « Son » GFA était l’un des premiers en Bretagne (c’est moi qui mets les guillemets). C’était avant 2000. Il n’existait alors que le GFA du Larzac et quelques autres en France. Cathy faisait partie d’une bande de copains, issus des MRJC*, qui voulaient s’installer.

 

 

Or, pour s’installer, faut des terres, et faut du bâti. Faut donc des sous.

 

Or, s’endetter, Cathy refusait de le faire. Enfin, si mais pas trop. A quoi ça rime ? Oui, un pactole à la retraite mais quoi ? La vie, c’est tout le temps.

 

Bref. Comment faire pour s’installer et limiter les crédits ? Pour elle, pour eux, la création d’un GFA s’est imposée.  

 

Plus facile à dire qu’à faire. Nouveau. Novateur. On connaît la chanson. Ca rentre pas dans les cases.  

 

 

Mais chance pour eux, ils trouvent un appui auprès d’une femme, salariée de l’administration agricole. Dynamique et volontaire, elle croit en eux. Elle les aide à monter le projet – faut convaincre les banques, l’administration.

 

Les copains se lancent dans une espèce de souscription volontaire, en relayant, diffusant auprès de leurs réseaux. Et ça marche. Ils réunissent 600.000 francs (90.000 €) en moins de 2 mois. Plus de 100 associés, invités à se réunir en assemblée générale ! Ouf. « C’est plus simple aujourd’hui », s’amuse Cathy. « Alors, fallait imprimer et coller les timbres ». (Beurk ! 100 !).

 

 

Bref. Une belle aventure humaine, qui perdure – ils sont 125 associés toujours -. Et qui montre son intérêt, là, alors que Cathy manifeste l’envie, comme son mari, de lever le pied.

 

 

Cathy le sait et le constate déjà. La transmission de la ferme, avec ses ateliers, posera question et demandera du temps. Mais avec le GFA, il est sûr pour Cathy, qu’elle sera facilitée. Le prochain, la prochaine paysanne n’aura pas à se soucier de racheter les terres.  A un prix toujours plus cher, avec des surfaces moyennes par ferme toujours plus grandes**.

 

 

On comprendra pourquoi le GFA est plébiscité par nombre de candidats à l’installation. On peut s’en féliciter quand le choix est volontaire. Et le regretter quand il se fait par défaut – parce que c’est le seul moyen de s’installer.

 

Cela pose une question essentielle quant à l’agriculture de demain : qui pourra accéder aux terres et comment ? Interrogation.

 

[…]

 

On continue. On parle de Madelaine. On se souvient de nos anciens. On se redit le pain. Mince, j’aurai pas le temps d’attendre le défournement.  

 

 

Johanne Gicquel, juin 2020

 

*MRJC Mouvement Rural de Jeunesse Chrétienne

 

**A 5.700 euros l’hectare et 48 ha la surface moyenne d’une ferme en Bretagne, faites les comptes.

 

 

 


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