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Le photographe

 

Le photographe

 

 

 

Ce jour-là, j’exposais dans une galerie improvisée : le couloir des voisins. C’était fête chez eux. Vous savez, une fête presque participative, chez l’habitant. C’était avant le covid, déjà, et une façon d’amener de la culture, de la joie musicale en terres rurales.

 

Bref. J’expose, j’accroche quelques paysages.

 

Un photographe passa par là. « Le » photographe du coin. Un peu connu, paraît-il, pas de moi en tout cas. Le monsieur, ancien parig… parisien (pardon) est avec ses amis, ses potes. Bras dessus, bras dessous. Ils regardent mes photos. Il commente. « Tu as vu ces gris !», « y’a pas de noir » qu’il gueule presque - il n’a pourtant pas encore bu. « Mais y’a pas de vrais blancs ! » qu’il s’esclaffe en mettant son gros doigt sur ma photo imprimée papier.

 

Je l’entends, un peu malgré moi, faut avouer.

 

J’étais aussi là pour passer une bonne soirée. Pas pour subir un démontage goguenard en règle.

 

La voisine organisatrice de la soirée a fini par nous présenter. 2 photographes, pensez-donc. Ils ont à se dire, à se montrer.

 

Enfin là, le monsieur, 20 ans mon ainé, a surtout à dire. Il me prend par l’épaule, me traîne dehors et commence une leçon de chose photographique. « Une photo doit se suffire ! » emphase-t-il.

 

Les yeux ont piqué devant la cinglance des remarques, et l’impossibilité d’entamer un dialogue avec cette bête de suffisance. Il est des jours où les armes sont rangées et où les hormones sont en berne (va savoir).

 

Bref. Il rigola fort de mes ciels cramés.

 

Cramés ? Volontairement. « C’est du high key (technique de surexposition volontaire des blancs de l’image) », aurais-je pu lui dire, « ma façon de dire l’immensité des cieux ».

 

Ça aurait pu lui causer, à lui, qui venait de mettre en boîte et en livre toutes les chapelles du coin, éclairées à la faveur d’un projecteur qui n’avait rien de divin, dans un ciel piqueté d’étoiles.

 

 

°°°

 

A lui, je pense parfois en regrettant que sa conne suffisance et en lui disant merci. Merci : mes photos ont gagné en force depuis. Merci : j’en suis sortie confortée dans l’idée que, oui, certaines photos appellent une explication (que le spectateur sera libre de lire, d’ailleurs).

 

Paysâmes – qui mêle photo noir et blanc, textes – s’inscrit donc dans la droite lignée de cette réflexion. L'objectif n'est pas de penser à la place de l'autre mais d'aider la compréhension.

 

Une  image reste manipulable - la preuve (s’il en fallait) en est avec le photoreportage bidon de Jonas Bendiksen (photomontage, et textes écrits par un ordinateur). La motivation de ce journaliste ? Dénoncer notre crédulité, les fakes news. Evidemment nécessaire. A l’exact opposé de ma démarche dans paysâmes : construite sur l’authenticité. 

 

 

Johanne

14 octobre 2021

 


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