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spleen maman blues

 

Maman blues

 

J’ai le blues. Le blues dans ces gris de la route.

 

Je regarde par la vitre. Je ne conduis pas.

 

Le volant est à ma fille. Ma fille. Ma presque femme.

 

Elle s’en va. Je l’accompagne vers l’aéroport.

 

Elle va s’envoler.

 

5 mois. C’est court, c’est long. C’est la première fois, qu’elle part si longtemps. Que je ne la serrerai pas dans mes bras, du bout des bras – elle n’aime pas trop les câlins. Elle n’a jamais trop aimé, depuis qu’elle a 7 ans ou à peu près.

 

5 mois sans attendre ses rires ni même ses grognements, ses râleries du matin.

 

La route défile. C’est brumeux. C’est flou. C’est dehors ou c’est mes yeux humides. Un peu des deux.

 

Le paysage se trouble.

 

Des arbres. Des rideaux d’arbres. Des oliviers taillés en nuages. Etranges déracinés. Je me sens un peu vidée, comme eux. Eux loin de chez eux, elle bientôt loin de moi. Des oliviers et au second plan, des éoliennes qui ne tournent pas. Comme moi je ne tourne pas rond. Là, un chêne, perdu au milieu d’un champ vaporeux. Il est pas encore vieux – 30, 10 ans, rien dans la vie des arbres - mais il est solitaire, isolé. Je me sens comme lui, seule.

 

La route défile. On écoute de la musique. Fort. Toujours. On parle jamais trop.

 

Allez !

 

Chacune à son tour choisit un morceau. Jeu habituel. Rixe musicale. Les vieux standards, les titres du moment. Nos incontournables familiaux.

 

Je lui fais écouter Akhénaton, qui chante « souris encore » - même si j’ai pas le cœur à sourire. « Souris encore » chante-il à sa fille, pour lui crier son amour. Je le lui fais écouter pour lui dire le mien, à ma fille. J’sais pas si elle comprend. Elle est dans sa bulle, presque déjà partie.

 

A son tour de choisir. « Zola ». Va pour Zola. Je me doute que ce sera pas du Emile qui sera chanté.  

 

Le jeune type parle de ses mâles attributs et de ces filles qui ne sont pas là pour les lécher. Ouah.

 

Je me renfrogne. Je me bouche les oreilles. Je surjoue. Mais je suis horrifiée.

 

Elle, ma fille, se moque. « O môman ! » Je souris. Jaune. Pôv texte. Déblatérer des infamies en prenant ça pour de la poésie. Putain. C’est pas du Renaud. C’est le Zola d’aujourd’hui.  

 

Oh. Ma fille. Ma presque femme. Préserve-toi. Sache dire non. Sache dire oui, aussi.  

 

Et oui, vas-y. Envole-toi.

 

Grandis. Va voir le monde. Va te chercher ailleurs si c’est ailleurs que tu te trouveras.

 

Va.

 

Je vais juste t’accompagner, de loin. Permets-moi juste de te tenir encore un peu la main.

 

 

Johanne

 

janvier 2022

 


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