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Yann Morel, un poète libre et sensible

Yann Morel avec la statue "la Main" - 1e prix de poésie Blaise Cendrars obtenu en 2005

 

Yann Morel, récipiendaire du prix de poésie Blaise Cendrars, breton et alréen (un compatriote donc ^^) m'a fait l'honneur de signer deux textes inédits pour Paysômes. 

Il réitère donc après avoir écrit déjà 2 poèmes pour Paysâmes.

 

Poète libre de Bretagne comme il aime à se présenter lui-même.

 

Plaisir et déplaisir

Plijadur ha displijadur

 

Dans la flamboyance
Des aubes d’été
Aux crêtes de feu
S’écrivent les rythmes quotidiens
En temps forts ou faibles
Annotés de sillons et semis
Il y a la grisaille des jours âpres, durs
Les mois noirs
Mis du, miz kerzu
Le découragement attelé à la fatigue
Toutes les gammes du désarroi
Parfois associées à la solitude
Il y a
En cette Bretagne intérieure
La noblesse de ce travail méconnu
Toi, fils, légataire des chants des anciens
Champs de labeur, de sueur
Balafrés de silex, de schiste et d’ajoncs nains
Il pleut sur le Menez-Hom
Il pleut sur les Paysômes
Argoat en celte crachin
Les dernières ondées tamisent la terre bretonne
Forgent un arc-en-ciel
Plijadur ha displijadur

Yann Morel


Marc Chaubaron, en préfaceur po'éthique

Yann Morel avec la statue "la Main" - 1e prix de poésie Blaise Cendrars obtenu en 2005

Marc Chaubaron a eu la gentillesse d'accepter de préfacer le livre.

Auteur et artiste alréen, j'avais croisé plusieurs fois Marc, au détour d'un salon, celui de Saint Goustan qu'il co-organise. Paysômes avançait et je me demandais qui pour quelques mots ou pour un dessin introductif au livre. C'est alors que je tombe sur Poil Ponce, son héros (pas tout à fait) ordinaire, à qui il fait dire : 

"Je suis en réflexion pensive".

Voilà pour l'anecdote. Marc s'est lancé dans la préface, non sans mal a priori (il n'est pas de ce monde-là, et il l'explique). Je le remercie d'autant plus fort que la santé avait défailli. Le défi l'a obligé à reprendre la plume, abandonnée pour cause de circonstances et de santé. Bah, moi, je dis merci M'onsieur. Et surtout, continue de nous dessiner un monde si sensé. Si sensible.

 

la préface dans son intégralité

Johanne s’exprime à mains nues… sans prendre de gants… Elle n’est pas assujettie à une idéologie formatée, un militantisme de salon… Elle porte en elle la mémoire des siens. Sa parole a l’insolence du vrai…
Elle connaît les vulgarités du monde, la peau dure des obstacles. Elle sait aussi la complexité des êtres et les paradoxes multiples…
Les problèmes embusqués derrière chaque solution…

Je connaissais les activités de Johanne, son parcours, sa démarche artistique, son engagement pour la défense d’une agriculture viable, saine et respectueuse. Responsable…
Son cheminement po’éthique…

Lorsqu’elle m’a sollicité pour poser quelques mots en guise de préface à son livre en gestation, cela m’a d’abord déconcerté – flatté sans doute – mais surtout, tétanisé… Une carte blanche c’est bien beau, encore faut-il pouvoir la noircir ! ... L’écriture n’est pas mon fort, je ne suis pas familier de ce genre d’exercice et puis, dois-je l’avouer, je suis parfaitement ignorant du monde agricole…
A quelle légitimité puis-je bien prétendre ? …

Mon domaine à moi c’est l’imaginaire, le rêve et la fantaisie.
Ma démarche, une perpétuelle esquive du réel…
Et puis, j’ai reçu la maquette, tel un panier d’intentions fraîchement cueillies…
J’ai parcouru/lu/épluché les feuillets, je me suis laissé guider/porter/puis séduire par l’originalité du contenu, convaincre par la force, la justesse et l’universalité des propos…

En écho au précédent ouvrage « Paysâmes », vibrant hommage aux femmes de la terre, Johanne nous propose aujourd’hui « Paysômes ».
Dans ce livre il est question d’hommes, de terre, de racines et d’âme… de rêves aussi… Il y a de l’affectif bien sûr, de la sincérité, de la gravité, des questions, des doutes et des convictions.
Ce livre et une œuvre de générosité à remettre entre toutes les mains. Une graine à planter dans les sillons de notre conscience.
Il a le charme atypique d’un document utile, rare et précieux. L’authenticité d’un ouvrage artisanal. Salutaire pour tous.

Je disais n’avoir aucune culture en matière d’agriculture. C’est un fait. Par ailleurs, je suis fort mauvais citadin. Mon attirance est résolument rurale… Comme la plupart des gens, je suis bien sûr sensible aux charmes de la campagne, aux arbres, aux animaux, aux vibrations du ciel, à l’harmonie des paysages…

Si la nature n’est pas toujours à nos portes, les produits de la nature en revanche, font partie de notre quotidien. Ils s’entassent dans les caddies, remplissent les frigos, s’invitent à nos tables et garnissent nos assiettes…
Nous avons coutume de faire plus ou moins régulièrement notre plein de provisions. Dans les commerces, petits ou grands, tous les produits sont là, à portée de main. Tous les ingrédients nécessaires à notre alimentation…
Mais qui peut soupçonner l’humain à l’œuvre derrière chaque étal ? ... Les innombrables bras qui produisent et acheminent les denrées indispensables à notre survie…
Ce livre nous propose précisément une incursion en terre mal connue, à la rencontre de ces hommes – paysans/agriculteurs –, ces « vraies gens », pudiques et discrets, obstinés, laborieux, souvent secrets.

Ces effacés dont nous croisons parfois la silhouette à l’horizon d’un champ, au détour d’un sentier, au volant d’un tracteur.
Ces héros presque invisibles de notre quotidien alimentaire…
Paysômes/Paysans… j’aime ce mot. Il y a « pays » dans ce mot-là. Du sacré aussi. Un socle et des valeurs. Une odeur de terroir, des liens subtils et profonds. Du silence qui parle, du sang qui circule. Du vivant surtout…
Que l’on soit d’ici ou d’ailleurs, ces portraits d’hommes nous interpellent. Leurs trajectoires de vie forcent au respect.
Respect pour leur engagement, leur opiniâtreté.
Respect pour la sueur et la patience.
L’échine pliée, les reins douloureux.
Respect s’il vous plaît pour ces mains qui peinent et nous nourrissent…

En cette époque de déshumanisation programmée, de tyrannie du virtuel et de perversité mercantile, il est bon de renouer avec l’essentiel, le bon sens et la simplicité des vraies choses.
La verticalité de l’être et la noblesse du vivant.

Merci à vous Paysans/Paysômes
D’être là, fiers et debout
Pour nous donner à vivre
Et nous aider à grandir.

Curieuse époque où tout semble se valoir dans une indifférence blasée, fast-foodisation du goût et des esprits, moutonnière mécanique des habitudes.

Nous vivons tous dans nos sphères
Dans nos bulles plus ou moins poreuses aux rumeurs du monde.
Soyons princes et jardiniers.
Responsables de la portion de planète qu’il nous incombe d’entretenir.
Pour la grâce du monde et les saveurs de la terre…

Merci à l’infini, Johanne
pour ta flamme et ta confiance
pour les étoiles que tu sèmes…

Po’éthiquement…
Marc Chaubaron
Artiste/Auteur


quelques pages (avec du texte) du livre